Carine
Il y a de l’herbe fraichement coupée, puis une clôture. Lorsque l’on passe la clôture, il y a un petit chemin de terre, bordé d’herbe sauvage qui monte au champ. C’est dans ce champ, à l’ombre d’un pommier, qu’est allongée Carine. D’habitude, Carine serait lumineuse, étincelante. Ses cheveux roux reflèteraient le soleil en diable. Mais là, sous ce pommier, elle est comme protégée du feu, protégée d’elle-même. Elle dort, paisiblement. Oh, bien sûr, il y’a le blé autour, et lui il reflète bel et bien le soleil, violemment d’ailleurs. Si Carine marchait à travers le blé ses cheveux s’y mêleraient, juste un peu plus mûrs. Mais pour l’instant, Carine dort. Juste ça.
Puis une abeille, une guêpe, ou un bourdon, peu importe. Carine se réveille. Comme guidée par une sorte de voix intérieure, elle se lève, gracieuse en flambeau. Puis elle se répand telle une trainée de poudre, droit devant, incendiant intégralement le champ, d’abord en ligne droite, puis sur les côtés. Incendiaire marchant à vive allure, elle s’extrait rapidement de cette fournaise à moisson. Elle ne tousse pas, ne suffoque pas, ne fait aucun mouvement susceptible de la protéger des flammes. Puis elle parvient finalement au bref chemin de terre, se retourne, et contemple son œuvre, silencieuse.
Lorsque tout est éteint, que le blé soleil jaune est redevenu poudre noire et brulée, elle passe la clôture, regagnant le jardin d’herbe fraiche, rentrant chez elle. Seul a subsisté le pommier. Une pomme en tombe et glisse le long de la friche. Carine sourit. Elle vient de franchir la porte de son domicile.